Mexique, Brésil, France, découvrez dans ce n° 7 de juillet l’étonnant parcours de Dyhanna, qui par sa formation et son expérience artistique, élargit son univers musical à des genres aussi différents que la chanson festive française, les rythmes franco-mexicains, la musique irlandaise, le jazz, la musique traditionnelle polonaise, la musique baroque, la world-music ou le chant prénatal !
Bluffant ! …
Le Mexique est ton pays d’origine ? Dans quelle ville es-tu née et comment s’est déroulée ton enfance ?
Oui. Je suis née à Mérida, dans le Yucatán, au sud du Mexique en 1987.
J’ai eu une enfance quelque peu mouvementée… mais heureuse grâce au soutien de ma famille du côté maternel. Ma maman m’a eu très jeune et ça n’a pas été évident pour elle de gérer un enfant en bas âge, ses études et sa vie professionnelle. Mon père biologique, lui aussi musicien, était toujours absent jusqu’au jour où il est parti pour de bon. J’avais 4 ans.
Tu as des parents artistes ? Que t’ont-ils apporté ?
Je suis issue d’une famille de musiciens, de génération en génération. Ma mère, Katia, violoniste et chanteuse, est la fille du Professeur Juan-Alberto Bermejo Suaste, responsable du département des cordes de l’école des Beaux-Arts de notre ville natale.
Juan-Alberto avait onze frères et sœurs pour la plupart tous musiciens amateurs qui chantaient et jouaient de la guitare. Il a été celui qui a poussé ses études pour devenir professeur des écoles tout en dirigeant de nombreuses formations.
Des quatre enfants que mes grands-parents ont eu, c’est ma mère qui est tombée amoureuse du violon. Mes oncles ont eu d’autres parcours mais eux aussi chantent et jouent de la guitare comme de vrais troubadours !
Mon père biologique, violoniste lui aussi, a eu un parcours assez tourmenté mais brillant. Malheureusement la vie n’a pas été facile et il n’a pas été présent pour sa famille. De lui il me reste des souvenirs aussi joyeux que tristes…
Mes parents s’étaient rencontrés très jeunes lors de sessions d’orchestre à Mérida. Une histoire d’amour qui a pris des tournures de film dramatique. Je n’en parle jamais car cela me rappelle une période très douloureuse de mon enfance. Il est parti de la maison familiale alors que j’avais seulement quatre ans et que ma mère devenait maman pour la deuxième fois avec l’arrivée de mon frère César.
© dy.shanti.musi
En tout cas, si je dois quelque chose à quelqu’un c’est sans doute à ma mère et à mes grands-parents pour m’avoir transmis l’amour pour la musique et particulièrement pour le violon que je voulais à tout prix apprendre très jeune. C’était un besoin, comme si ma vie en dépendait. Un troisième poumon ? Un deuxième cœur ?
A quel âge as-tu appris le violon ? Qui était ton professeur ?
C’est une question rigolotte car j’ai l’impression qu’il a toujours fait partie de moi. Vers mes deux ans, chaque fois que mon père jouait du violon en ma présence, je voulais lui prendre des mains (un peu comme ma fille avec moi aujourd’hui!). Il a fini par m’en acheter un à ma taille sur un marché d’artisanat pour que je le laisse travailler.
C’est plus tard que j’ai eu un vrai petit violon et que j’ai commencé les cours en école de musique vers l’âge de 5 ou 6 ans.
Mon premier professeur a été ma maman, ensuite mon propre grand-père à partir de 6 ans et jusqu’à mes 10/11 ans, au Mexique.
A 8 ans, il m’a fait participer à mon premier concours international à Mexico. Ma première expérience de « grande taille » en-dehors de ma ville natale et aussi la première fois que je prenais l’avion. Tout un événement! J’étais arrivée 6ème.
© dy.shanti.music
A 11 ans tu quittes ton pays pour aller au Brésil ? Pourquoi ce pays en particulier ?
Suite à la séparation de mes parents, ma mère a rencontré, quelques années plus tard, celui qui allait devenir par la suite mon père adoptif, Bertrand Lecocq.
Ma mère voulait apprendre le français et poussait les portes de l’Alliance française située dans le quartier « Colonia Mexico » à Mérida, pour s’y inscrire. Il se trouve que Bertrand en était le directeur. Sans rentrer dans les détails de leur histoire d’amour naissante, il devait quitter le Mexique pour prendre un poste au Brésil pour un contrat de quatre ans. Au bout de quelques mois, il est revenu demander ma mère en mariage et nous voilà partis tous les trois au Brésil, ma mère, mon frère alors âgé de sept ans et moi, onze ans.
Tout est allé très vite. On apprenait qu’on allait quitter le Mexique pour partir au Brésil puis aller en France pour y rester !
Mais cet amour pour la musique, nous avons réussi à le partager en famille, ce qui nous a permis aussi de créer du lien et d’élargir nos connaissances et goûts musicaux.
Dans ton nouveau pays, tu été scolarisée et tu continues à suivre des cours de musique ?
Oui, je vais à l’école privée « 2 de Julhio » de Salvador de Bahia. Le « 2 juillet » correspond à la date de l’Indépendance de la ville en 1823.
Et j’intègre l’IEM, (Institut d’Enseignement Musical) où j’ai découvert la méthode Suzuki. C’est une méthode japonaise mise en place par le violoniste Shinichi Suzuki au milieu du XXe siècle. L’enfant commence l’apprentissage de la musique très tôt et la méthode se base sur le principe de l’écoute et de la répétition sans savoir écrire la musique.
Puis j’ai été inscrite à l’école de musique de l’UFBA (Université Fédérale de Bahia), qui proposait des cours de formation musicale et de violon classique.
A droite à l’Ecole de Musique de l’Université Fédérale de Bahia / © dy.shanti.music
j’avais des cours en individuel mais aussi en groupe et souvent les parents étaient conviés. Cela nous habituait à avoir un public tout en apprenant un répertoire très varié. Le degré de difficulté évoluait en fonction de notre rythme et selon notre motivation.
Tu as du apprendre le portugais ?
Oui, en… deux mois avant la rentrée scolaire. Houuhouuy ! Heureusement que le portugais est une langue latine très proche de l’espagnol, ma langue maternelle. C’est une langue très joyeuse et chantante et ça m’a aidée. C’était un bonheur de l’apprendre, c’était comme apprendre la musique.
3 ans plus tard tu arrives en France ? Pourquoi la France ?
Maman remariée suit l’élu de son coeur, mon beau-papa, originaire du Nord de la France, et après trois ans et demi au Brésil, nous arrivons et nous installons en France, près de Douai. J’ai quinze ans et mon frère César onze.
Tu continues à suivre des cours de musique tout en menant des études secondaires et universitaires ?
Je continue oui, tout en apprenant le français. Mais la méthode ici était tout autre. J’avais beaucoup développé mon oreille musicale mais j’ai du me remettre à niveau en solfège car il était plus élevé au conservatoire.
J’ai d’abord intégré les classes à horaires aménagés du Collège Albert Châtelet de Douai (cours généraux en matinée puis après-midi musicaux au Conservatoire de cette même ville). Ensuite j’obtiens un bac littéraire mention « Arts et Musique », puis j’opte pour un BTS d’Assistante de Direction trilingue pour m’assurer un diplôme supplémentaire en attendant d’obtenir ceux du conservatoire.
J’ai toujours fait des doubles cursus car il était inconcevable d’arrêter la musique qui est depuis toujours ma bouffée d’air. Les études de langues à côté, c’était, selon mes parents, pour assurer mes arrières, et c’était aussi en quelque sorte, la condition si je voulais poursuivre mes études de musique.
Je suis donc arrivée en Licence LEA (langues Étrangères Appliquées) à l’Université d’Artois à Arras, croyant qu’un jour je pouvais devenir professeur d’Espagnol, traductrice ou interprète.
Je jouais sur deux tableaux et pour les deux je me devais d’être performante. Je nourrissais une certaine frustration car j’étais en concurrence avec d’autres élèves qui ne se dédiaient qu’à la musique alors que moi, j’avais en plus mon travail universitaire.
J’essayais d’optimiser le temps en travaillant dans le train ou dans la bibliothèque à côté du conservatoire mais ce n’était jamais assez.
A cela, j’ai ajouté des projets d’orchestre et des concerts sur Lille pour vivre des expériences musicales. De ce fait je « voyageais » entre Douai, Arras et Lille, mon sac de cours au bras gauche, ma valise que je tirais de la main droite et mon violon sur le dos, le tout en hauts talons pour le style !!! Toujours en train de courir pour ne pas louper le train ou le bus… du coup, je suis restée « mince » et sportive ! (rires…)
Mais la vie a ses mystères… J’ai validé ma licence de langues et obtenu deux médailles d’or au Conservatoire mais j’ai trop forcé ! J’ai trop demandé à mon corps en très peu de temps… et le prix à payer a été un tendinite sévère qui m’a obligée à arrêter le violon pendant deux ans !!
Avec ton bagage musical, tu pouvais envisager une carrière professionnelle de musicienne et t’intégrer dans le paysage musical nordiste ?
Et bien j’en rêvais… mais j’étais partagée entre les études et les concerts que je donnais déjà un peu à droite et à gauche, avec des petites formations ou avec des orchestres.
« Les Musiciens d’Europe » – Genève 2018
Quant à mon bagage musical… Oui et non ! Je me sentais un peu perdue et jamais à la hauteur suite à une mésaventure qui m’a fait perdre confiance en moi. Je ne me sentais à ma place nulle part. Pourtant je sentais que j’avais quelque chose à faire et à donner musicalement parlant.
Je n’ai pas vraiment démarré comme je l’aurais souhaité, en poussant la « grande porte », comme les pros…
Et puisque j’étais bloquée, je ne pouvais exercer la musique. Il me fallait trouver un travail. J’étais attirée par l’enseignement et devenir Assistante de Vie Scolaire me semblait une bonne solution en attendant de trouver un poste.
J’ai donc accompagné des enfants porteurs de handicap pendant leur scolarité. J’ai commencé à proposer des moments musicaux. C’est là que j’ai eu une petite révélation : je voulais faire de la musique dans les écoles, pour que les enfants, handicapés ou non, trouvent leur place, s’intègrent dans le groupe, expérimentent, échangent, se découvrent des capacités et passent de bons moments. Je constatais que les enfants handicapés étaient pas mal mis à l’écart et la musique leur permettait de créer du lien.
Médiathèque de Lomme
Tu renoues avec la musique en devenant professeur de violon et tu obtiens au CFMI (Centre de Formation pour Musiciens Intervenants) le diplôme d’intervenante ?
Oui, les hasards de la vie…
J’avais besoin de reprendre la musique d’une façon ou d’une autre, de croire en moi à nouveau, de repartager mon amour pour le violon et j’ai accepté de faire un remplacement dans une école de musique de Lille après presque deux ans d’arrêt total de violon. Je voulais aussi récupérer ma voix que j’avais également perdue…
Sans pouvoir m’exprimer par la musique je n’avais plus le goût de rien. J’ai pris mon courage à deux mains et commencé des cours de chant lyrique pour apprendre un peu de technique et pour le plaisir de chanter.
C’est là que j’ai commencé à rencontrer du monde et que j’ai entendu parler pour la première fois de la formation du CFMI pour devenir Musicienne Intervenante. Un coup de fil, un dossier de candidature envoyé, des tests d’admission acceptés, j’étais prête pour cette nouvelle aventure tout en donnant mes cours de violon au Faubourg des Musiques, à Lille.
Et là, tu fais de belles rencontres ?
Tout à fait ! Merci le CFMI ! Je rencontre des personnes et des formateurs formidables, des musiciens incroyables et des amitiés qui aujourd’hui font toujours partie de ma vie de près ou de loin.
Faisons un tour d’horizon de tes rencontres et de ton parcours musical : « Les P’tits Oignons » ? Quand et comment est né ce groupe ?
Alors, « Aux P’tits Oignons » (APO) c’est avant tout une histoire de copains qui montent un groupe pour le plaisir de partager ensemble des moments festifs et dans lequel j’arrive alors qu’ils commencent à se produire dans les bars et restos de Lille.
Tout fraîchement arrivée au CFMI, je rencontre Paul, le chanteur guitariste du groupe et son cousin Rémi, chanteur et accordéoniste. Ils m’invitent aux répétitions puis la bonne ambiance et la musique festive opèrent !
Qui sont les autres musiciens ?
Paul et Rémi étaient le noyau dur de la formation. Aujourd’hui, nous sommes sept musiciens et un technicien son : Paul et Rémi, Sam aux percussions, Arnaud aux claviers, mon frère César à la guitare et moi au violon et au chant. Valentin nous a rejoint à la basse et François est à la technique.
Au début c’était à la bonne franquette et petit à petit, c’est devenu de plus en plus prenant. Nous avons eu la chance et la joie de pouvoir participer à la Fête de l’Humanité, La Fête de l’Humain D’abord, le Festival des Enchanteurs, Tournai à l’accordéon, Les Belles Bretelles…
Comment as-tu trouvé ta place dans cette formation typiquement « chanson française » ? Les P’tits Oignons, c’est festif, joyeux, chaleureux, est-ce que tu as retrouvé des similitudes avec la musique mexicaine ou brésilienne ?
Pas tout à fait. Si j’ai trouvé ma place dans le groupe, je pense que c’est grâce au fait que j’aime improviser et apporter mes sonorités personnelles. Le violon peut être festif mais peut aussi apporter différentes sonorités et couleurs, de la douceur, de la mélancolie, quelques sonorités mexicaines oui, bien sûr.
Mais sans trop tomber dans les clichés, la musique d’APO reste tout d’abord fidèle aux sonorités « guinguette », notamment par la forte présence de l’accordéon. Chacun essaye d’apporter une touche personnelle. C’est ça la richesse du groupe.
Le tournage du clip « Mexico » est un bel hommage du groupe à toi et ton frère ? Les autels, le drapeau, la course dans les maïs… c’est votre vie ?
Je pense qu’on peut parler d’un hommage à nos origines, oui ! Il tenait au cœur des membres du groupe de partager des choses authentiques . Le clip a été tourné pendant les vacances de Toussaint 2020, entre deux confinements, c’est à dire dans le respect du vrai calendrier de la « Fêtes des Morts ». Les séquences de l’autel et des décorations ont été filmées dans notre maison, et la course dans les maïs, un des symboles de la culture mexicaine, a été tournée dans un champ près de chez nous. Les flash-back de notre enfance ont participé aux moments nostalgiques du clip.
« Et je ferme les yeux et je me promène dans ces rues qui m’ont vue Reine. « … des paroles qui évoquent la nostalgie, le mal du pays.
« Mexico » est tiré du premier album d’Aux P’tits Oignons « J’tai pas raconté ? » Comment s’est passé l’enregistrement et où ?
Dans un premier temps, nous avons enregistré la maquette, tous ensemble, au Biplan de Lille. Puis, grâce à un autofinancement par contributeurs (nos familles, nos amis…), nous avons enregistré nos parties respectives dans un studio de Lille. La musique n’étant pas l’activité principale du groupe, nous avons adapté nos emplois du temps et tout cela s’est déroulé dans un contexte plutôt serein, loin du contexte actuel dans lequel nous préparons le prochain !
« Les Chilis » ? C’est avant, en même temps ou après les p’tits oignons ? Les « Chilis » c’est une histoire de famille ?
Aaaah les Chilis c’est avant, pendant et… encore aujourd’hui ! Eh oui, c’est aussi une histoire familiale, d’abord en duo avec mon frère. À une période où nous étions très pris par nos études et très éloignés, nous nous sommes retrouvés grâce à la musique.
Ensuite en trio avec notre ami Valentin Marlin puis Valentin Bilot nous rejoint à la basse (les 4 fréros, dont deux de sang et deux de cœur).
Nous avions créé cette formation pour répondre à des demandes lors d’événements organisés par l’APEPAC (L’Association pour la Protection de l’Environnement et la Promotion des Arts et de la Culture) qui siège à Goeulzin, puis par la suite pour des prestations privées dans les bars et restaurants. Notre style très varié plaît assez et j’aime qu’on nous fasse la remarque (assez souvent tout de même, quel honneur !) : « vous nous faites penser à Rodrigo et Gabriela, un duo mexicain qui fait des reprises endiablées à la guitare ».
Tu apprends à jouer d’autres instruments que le violon et tu commences à chanter ?
Oui. Un peu de guitare, du violoncelle (en autodidacte), des petites percussions, de la harpe celtique, et depuis peu, le ukulélé, le clavier et l’autoharpe, mais surtout, je commence à explorer ma voix.
Malgré le fait que j’adore chanter depuis toujours, je ne connaissais que très peu ma voix car je laissais toujours la place à mes parents lorsqu’il s’agissait de faire de la musique ensemble. Moi j’apportais ma petite touche au violon en mélodies d’accompagnement, petits solos, introductions mais aussi des deuxième ou troisième voix car j’adore harmoniser, chercher des textures…
Tu travailles également avec l’association « Seddiki-JazzBand » de Lourches ? Quel est l’objet de cette association ? Quel a été ton rôle ?
A une période où l’association cherchait à se développer autour de son projet Jazz, il se trouvait que je connaissais un peu le répertoire « Bossa ».
La Bossa était un genre musical, issu du croisement de la Samba et du Cool-Jazz, en vogue dans les années 50 à Rio de Janeiro. L’idée de chanter en portugais (du Brésil) m’enchantait et j’ai accepté. C’était ma première expérience avec des musiciens qui se spécialisaient dans le jazz.
Ensuite, tu rejoins « Corrs et Ames » un groupe d’Annoeulin ? Le groupe est un Tribute Band du célèbre groupe pop irlandais « The Corrs » C’est la 1ère fois que tu joues de la musique irlandaise ?
La musique irlandaise. Une grande histoire d’amour depuis mon enfance ! Ce n’était pas la première fois que je jouais de la musique irlandaise, mais une première dans un Tribute et de plus pour l’un de mes groupes préférés étant adolescente !
Malheureusement, je n’y suis pas restée longtemps car peu de temps après l’orchestre Kubiak avait lancé des auditions pour trouver leur nouvelle violoniste. J’ai candidaté et j’ai été retenue. Au niveau de ma disponibilité, alors que j’étais toujours étudiante au CFMI, un choix s’imposait et j’ai dû quitter le Tribute, à contrecœur.
Donc, en 2014, tu rejoins en tant que violoniste et chanteuse la formation de Christian Kubiak ? En dehors de la variété, Kubiak propose de la musique traditionnelle polonaise, c’est une nouvelle corde à ton arc ? (ou plutôt à ton violon?)
Tout à fait. Et là je peux dire que je m’y retrouvais complètement car la musique polonaise me fait fort penser à la musique traditionnelle mexicaine, celle qu’on entend lors des fêtes populaires sur la place ou sous les kiosques avec les trompettes, tous vêtus de leurs habits du dimanche. Mode nostalgie activée !
Kubiak, c’était de la variété, de la musique actuelle, des costumes, de la danse et cette belle expérience de la scène, la vraie, celle qui nous fait perdre des litres de transpiration et des kilos par prestation !
Qu’est-ce qui te pousse à rejoindre l’Ensemble Baroque « Zalenka » ? Qu’en tires-tu comme expérience ?
Je suis sortie du Conservatoire de Douai avec deux médailles d’or, une en improvisation et l’autre en musique de chambre spécialité baroque.
Depuis, il s’en était passé des choses … et des années. Je n’avais pas encore eu l’opportunité de faire partie d’ensembles baroques. Ma mère, qui faisait partie de cet ensemble et également de « Arco Vocali », m’a proposé de les intégrer car ils manquaient de cordes.
C’est une belle expérience et un plaisir de faire partie d’un tel groupe, de retrouver des sonorités que j’aime dans une ambiance paisible et conviviale. La musique baroque vous transporte dans une autre époque et vous plonge dans un univers sonore où il y a de la pureté, de la simplicité mais aussi de la recherche. Et ça me rappelait des sensations que je partageais avec des amis aujourd’hui perdus de vue.
Puis il y a AïNa ? Comment as-tu rejoint ce groupe de World-Music ? Qui sont les musiciens ?
Je rencontre tout d’abord Laetitia Parisse au CFMI de Lille3 où nous avons partagé deux merveilleuses années de formation. Nous nous étions promis de rester en contact et de créer, un jour, quelque chose ensemble. C’était en 2016.
Il y a des personnes comme ça avec qui vous vous sentez en fusion, en complète symbiose. C’était mon cas avec Laetitia et avec son époux Jean-Baptiste. Deux personnes entières qui ont su détecter ce petit quelque chose que j’avais à proposer. C’est en partie grâce à eux que j’ose explorer de nouvelles possibilités, que j’essaie de faire partie de quelque chose de vrai et d’original.
Être dans la création faisait partie des projets qui me tenaient à cœur depuis longtemps. « Il vaut mieux tard que jamais », c’est la phrase que je me répète sans cesse pour ne rien regretter et prendre le temps d’entreprendre.
En 2018, quand Laetitia et Jean-Baptiste démarrent le projet de fonder le groupe AïNa avec le bassiste Albin Suffys, ils font appel à moi et je rejoins la formation.
© La Voix du Nord – édition Sambre-Avesnois
Notre bébé commence alors à faire du quatre-pattes et petit à petit on avance. L’année suivante, Anne-Sophie Marquant rejoint l’aventure. Elle apporte sa touche aux claviers et une ambiance encore plus large dans cette world-music électro-acoustique.
Le répertoire est constitué de compositions originales ? quel est ton rôle dans ce processus de création ?
Oui, ce ne sont que des compositions. Au départ il y a des propositions de thèmes qu’ensuite nous travaillons ensemble, chacun apportant ses idées d’arrangement et proposant des sonorités différentes que permettent les nombreux instruments que nous avons à disposition.
Le violon étant un instrument mélodique, je propose une couleur, un timbre et une ambiance. Dans ce processus de création, je me sens libre, comme un papillon qui butine de fleur en fleur, tout en respectant les espaces de chacun..
On commence les concerts, les envies d’album puis… arrive le premier confinement.
Le groupe Lodàn t’invite quelquefois à te joindre à eux ? Tu y retrouves Laetitia et Jean Baptiste, avec qui tu partages la même passion pour les musiques du monde ?
Au début, j’ai l’immense joie de les rejoindre d’abord pour AïNa. Cela faisait un moment que nous avions l’envie d’entreprendre un projet ensemble. J’ai rejoint donc la team composée de Laetitia, Jean-Baptiste puis Albin Suffys à la basse.
Lodàn a suivi car tous les trois faisaient déjà partie de ce projet avec le guitariste Didier Recolet. La touche du violon venait proposer la sonorité des cordes frottées à l’ensemble et j’ai été invitée en guest de temps en temps. Un bonheur !
Laetitia et Jean Baptiste Parisse / © Stéphane Ribault
Aujourd’hui qu’est-ce qui te reste de ton pays natal ?
Beaucoup de nostalgie… oui, bien-sûr ! Au brésil on dirait : « Saudade ».
Je n’y suis retournée que quatre fois en l’espace de vingt ans. La dernière fois, c’était avec mon mari et ma fille. Dès notre arrivée dans ma ville natale, nous avons vécu un moment formidable et très symbolique : Un mariage maya autour du « Ceiba», l’arbre sacré des Mayas. Toute ma famille était présente. C’est mon grand-père Juan-Alberto, qui était à l’origine de cette surprise qui m’a remplie d’un sentiment inexplicable. Comme si je retrouvais des racines et des poumons pour respirer à nouveau.
Et de ton passage au Brésil ?
Je ne suis pas retournée au Brésil depuis notre départ. Mais, grâce à la musique j’ai pu me rapprocher d’associations qui font vivre la culture brésilienne. Je pense à Barraca Zem avec qui mon frère et moi avons eu le plaisir de collaborer pour des projets musicaux pour enfants (les Latin Kids). Nous revisitions des comptines françaises en les arrangeant façon « latino », avec Olivier Verhote aux percussions, puis partagions des musiques de notre enfance en espagnol, portugais et en français.
A droite, au Jardin des Plantes
Quand et comment cette nostalgie se manifeste-t-elle dans ta vie ? As-tu gardé certaines traditions ?
Tout le temps, enfin, surtout à certaines périodes de l’année : à la Toussaint, à Noël et pendant les fêtes de fin d’année scolaire.
A la Toussaint, au Mexique, nous fêtons « Dia de los Muertos » (« la Fête des Morts »). Chaque famille installe un autel dans une partie de la maison avec des fleurs, de l’encens et du copal, (qui symbolisent le passage de la vie à la mort), des bougies, des guirlandes. On couvre l’autel d’offrandes, objets familiers, nourriture, têtes de mort en sucre, graines d’amarante, avec des photos des défunts pour leur rendre hommage pendant trois jours, et on termine par un repas en famille. J’adore cette période. C’est une jolie façon de parler de ceux qui ne sont plus là, dans la gaieté, la couleur, en musique et en famille.
(la Toussaint à la mexicaine) / © dy.shanti.music
A Noël, nous avons les « posadas ». Les familles se réunissent pour chanter, partager un repas et casser la « piñata » pour fêter l’année qui se termine. Bien évidemment, nous nous retrouvions tous ensemble pour les cadeaux et les soirées qui se finissaient toujours en musique.
J’ai aussi un très beau souvenir d’enfance… Avec des copains et copines, on confectionnait un petit autel décoré d’une statuette de la vierge Marie, des fleurs et des bougies pour aller chanter devant les maisons de notre quartier. En échange nous recevions quelques pièces que nous dépensions en feux d’artifice. Cette tradition s’est un peu perdue aujourd’hui à cause de l’insécurité de certains quartiers.
A l’école, la fête de fin d’année était importante. Chaque classe devait faire un danse en s’habillant de l’habit traditionnel d’un des états du pays. Les mamies couturières créaient les costumes. C’était aussi le moment de la remise des diplômes.
La passation du drapeau, c’était tout un truc aussi : chaque lundi de l’année, nous chantions l’hymne national face au drapeau qui était porté par l’élève le plus méritant et qui était fier d’être sélectionné.
C’est quand tu attends ton premier enfant que tu t’intéresses au « chant prénatal » ?
Tout à fait ! C’était une période très riche pour moi. En apprenant ma grossesse, j’apprenais aussi l’existence du « chant prénatal » en complément de la préparation classique à la naissance à l’hôpital Jeanne de Flandre de Lille.
Explosion dans ma tête et dans mon cœur : « Mais oui bien-sûr ! Créer du lien avec son bébé par le chant, l’éveiller grâce aux sons et aux vibrations qu’ils produisent, lui envoyer comme on dirait des « good vibes » et cela même avant la naissance ! Vivre un moment pour soi avec d’autres futures mamans, chanter ensemble, se soutenir, apprendre des techniques pour réguler sa respiration et accompagner les petits maux de la grossesse, tout en douceur ».
Deux ans après je décide de quitter l’orchestre Kubiak pour me former et devenir animatrice de chant prénatal et ajouter encore une corde à mon… arc, ou à ma voix plutôt, car c’est la voix qui devient mon principal instrument. Je commence à mettre en place des ateliers d’éveil musical parents/enfants 0-3 ans.
Le Cateau-Cambrésis, début 2021
Depuis un moment, tu t’intéresses beaucoup au bien-être des gens, aux énergies vibratoires ? Tu penses que la musique a un rôle à jouer dans ce domaine ?
Absolument ! La musique provoque des vibrations qui raisonnent en nous. Elle réveille (ou endort) nos émotions. La musique facilite le langage, elle nous fait rire ou pleurer, les sons nous rassurent, nous apaisent ou nous énervent selon certaines fréquences.
Il a été prouvé que la musique aide (dans certains cas de maladie d’Alzeimer) à retravailler sa mémoire en faisant appel aux émotions procurées par la musique ! On parle d’éveil musical et ce pour tous les âges à tout moment.
Tu avais envisagé l’organisation d’ateliers adultes et enfants ?
C’était le projet pour cette année. Je voulais proposer des ateliers parents/enfants dans les crèches, les médiathèques et même dans les hôpitaux. Mais la crise sanitaire a coupé mon élan.
Les lieux d’accueil étaient très frileux à l’idée d’accepter des ateliers de chant et de manipulation d’instruments sans pouvoir gérer les éventuelles contagions.
Alors qu’on préconise le « lâcher prise » pour un meilleur apprentissage, tout le monde était sur le qui-vive. Pas évident pour les tous petits qui justement apprennent en manipulant et en apportant bien souvent des objets à la bouche. Je devais porter un masque, me cacher le visage… je n’ai pas pu m’adapter.
Comment vois-tu l’avenir ?
La période Covid a été difficile pour les artistes. Pour moi, beaucoup de remises en question, de doutes… mais aussi d’opportunités. J’ai essayé de rester active. Heureusement que les intermittents ont eu le droit à l’année « blanche » pour nous donner un peu de souffle et de temps pour rebondir…
Aujourd’hui, le stress est toujours d’actualité car, faute d’avoir exercer, je doute pouvoir renouveler l’intermittence pour cette année. C’est pourquoi j’ai fait les démarches pour devenir auto-entrepreneuse et pouvoir, dès que possible, lancer des ateliers de chant prénatal en milieu hospitalier, chez les particuliers et des ateliers d’éveil musical dans les crèches et différents lieux d’accueil de la petite enfance.
Depuis le printemps dernier nous savons aussi qu’un deuxième bébé va arriver dans la famille et qu’il va falloir s’organiser.
Mais des projets, j’en ai, oui et plusieurs !
Avec Aux P’tits Oignons, nous travaillons sur un nouvel EP qui sortira si tout va bien dans quelques mois et je voudrais poursuivre, autant que possible, les projets musicaux avec AïNa, les Chilis et autres formations qui feraient appel à moi.
En même temps, j’ai monté un répertoire solo au violon/chant pour animer musicalement des mariages et vins d’honneur et je prépare aussi des partenariats avec d’autres artistes pour répondre à des demandes spécifiques pour les centres d’accueil de personnes âgées, centres de loisirs et centres culturels.
Je travaille également sur mon site internet, actuellement en construction et je crée mes propres illustrations.
En 2003, encouragée par ma professeure d’Arts-Plastiques au lycée, Sylvie Pala, j’ai participé au concours de la Bande Dessinée d’Angoulême et j’ai eu la joie de remporter (à ma grande surprise) le 1er prix à niveau régional. Depuis, faute de temps, j’avais rangé pinceaux, encres et stylos mais j’y reviens petit à petit, notamment pour illustrer mon site et des commandes d’illustrations.
Dans un avenir proche, j’aimerais explorer la musique ancestrale maya de ma région natale, pour créer des ambiances qui favoriseraient la méditation, le bien-être et la détente.
et le « Monumento à la Patria » à Mérida
Pour trouver une cohérence dans ton parcours, dans tes idées, dans tes pratiques artistiques et dans tes projets, Pegase-21 s’est intéressé aux morceaux que tu as diffusé, il y a quelque temps déjà, à l’époque où tu cherchais ta voie, et ta voix aussi, sur la plate-forme musique « Soundcloud ».
Il est surprenant de trouver, bien entendu des reprises, mais, par exemple, la nostalgie du pays natal dans le visuel de « My Favorite ». Dans « Summertime », l’adolescente pensive, qui se demande ce que son avenir lui réserve. L’attrait pour la musique celtique est déjà présent dans « La jument de Micho » et il est plus frappant encore de trouver un titre comme « improvisation, musique ancestrale et voyage imaginaire ». Le morceau fait référence à ce que tu sais faire (ta médaille d’Or en improvisation) et tout ce que tu souhaites faire, la musique ancestrale de tes racines et explorer ton imaginaire.
En bas : « La Jument de Micho » et « Improvisation, musique ancestrale et voyage imaginaire »
J’espère de tout cœur trouver un équilibre dans tout ça. avoir enfin une situation stable tout en étant présente pour mes enfants avec qui je partage tout ça de très près. Une histoire de famille qui se répète !
Après tes déjà nombreuses expériences vécues, Pergase-21 te souhaite bonne chance pour un avenir riche en promesses et bon vent pour continuer cette traversée musicale incroyable.
Ah, ma chère Dyhanna, quel bonheur de lire cet article de M. Boulogne et ainsi de mieux te connaître, de découvrir ton parcours.: tu es vraiment incroyable et d’une richesse immense … Et quelle chance nous avons à Arco Vocali de ensemble !
Je te souhaite le meilleur et plein de belle musique, avec toute mon amitié et mon admiration ❤️❤️❤️. Anne-Marie
Mon éternel amour et admiration à ma guerrière. Te amo.
Très beau et passionnant récit d’une jeune vie si abondamment remplie.
Et tu ne dis mot , bien sûr de ton sourire si communicatif et chaleureux! Tu es La Musique en chair et en os.
Bravo à toi