Pour ce n° 3 de mars 2021, Pegase-21 va à la rencontre de la chanteuse et musicienne Lilloise Clémence VANDAELE. Généreuse, spontanée et sincère comme elle l’est dans la vie, Clémence répond aux questions sans tricher, ni avec les autres, ni avec elle-même.
Une sensibilité musicale à fleur de peau, un sens inné de la fête ! Pas étonnant qu’elle se soit sentie attirée par les musiques de l’Est, sources de réjouissances familiales, amicales ou publiques.
Tu es née à Dunkerque. A partir de quel âge as-tu eu envie de faire de la musique ? Est-ce que l’ambiance familiale a été favorable à ta vocation de musicienne ?
Je suis née à Dunkerque mais j’ai grandi à Eperlecques, petit village du Pas de Calais. Dans ma famille, tout le monde faisait de la musique : ma mère chante, mon père joue de la guitare, mon grand frère jouait de la guitare électrique dans un groupe de Rock, mes deux sœurs jouaient, l’une du piano, l’autre de la batterie et de la flûte traversière.
J’ai baigné dans un univers musical où j’adorais les soirées guitare au coin du feu, chanter dans le chalet au fond du jardin avec mes frères et sœurs…
J’ai toujours adoré chanter mais j’étais la seule de la famille qui n’ait pas suivi un « cursus » de formation musicale. J’ai pourtant été inscrite au solfège à 6 ans mais j’ai rapidement abandonné.
Vers l’âge de 15 ans, je pratiquais l’athlétisme demi-fond en compétition. Un problème au genou et une intervention chirurgicale m’ont obligée à abandonner cette activité. Ma mère m’a alors suggéré : « Clémence, tu adores chanter, pourquoi ne te mets-tu pas à un instrument comme la guitare afin de pouvoir t’accompagner ? ».
Mon père m’a rapidement appris quelques accords, j’ai suivi mes premiers cours de guitare au lycée et mon « aventure musicale » a démarré.
Te souviens-tu de la première fois où tu es montée sur une scène ?
J’ai plusieurs souvenirs de fêtes de collège et de lycée. Au collège je faisais beaucoup de théâtre et à la fin de l’année, je montais sur scène et jouais des sketches des inconnus et d’Elie Kakou.
Au lycée, en terminale, j’ai rencontré Hélène Salem, une violoniste et nous avons formé un duo. Elle avait un parcours très classique, le mien était plutôt autodidacte. Cette rencontre a été une révélation pour l’une comme pour l’autre. Nous avons fait quelques scènes, des « radios crochets », des fêtes de village etc…
En terminale également, j’avais un ami Kouamé Moro, qui composait des chansons bossa nova. Nous répétions dans une classe où il y avait un piano et je chantais sur ses compositions. C’est à ce moment-là que j’ai vécu mes premières expériences de concert dans les bars de Saint-Omer. Que de très bons souvenirs !
Dans tes premières prestations, tu as interprété des chansons françaises ?
Mes premières interprétations avec Hélène étaient plutôt « éclectiques » : on faisait de la musique du monde, du « Bjork ». Avec Kouamé, c’était plutôt l’interprétation de ses chansons bossa Nova.
Seule, j’ai commencé par des chansons plutôt françaises. J’y ai ajouté des chansons de Bob Marley et d’autres, découvertes pendant mon adolescence !
J’étais très ambitieuse et j’ai commencé à écrire pas mal de compositions en français (je serais honteuse de vous les faire écouter aujourd’hui !). J’en ai écrit une pour un concours du Crédit Agricole dont le thème consistait à s’imaginer « 10 ans plus loin ». J’ai gagné le 1er prix ! Une belle petite somme d’argent qui m’a permis d’investir dans du matériel d’enregistrement et j’ai commencé à découvrir le plaisir d’enregistrer plusieurs voix, plusieurs instruments etc…
Tu a puisé dans le répertoire de de Georges Brassens. Qu’est-ce qui t’a attiré chez lui ? Ses textes ? Sa musique ? Son style ?
C’est en famille que j’ai d’abord découvert Georges Brassens, mais je ne connaissais que ses chansons les plus connues. Plus tard, lorsque j’ai commencé mes études d’éducatrice spécialisée, une amie m’a fait découvrir son univers plus en profondeur. Je me rappelle qu’elle m’a dit : « quand tu commences à mettre le nez dans la bible de Georges Brassens qui est inépuisable, tu n’arrives plus à en sortir ! »
C’est exactement ce qui s’est passé ! Elle m’a fait connaître les chansons moins connues, la poésie de ses textes. On m’a offert deux ouvrages regroupant toute son oeuvrre et j’ai découvert son incroyable richesse ! Je ne suis pas capable de jouer toutes les chansons mais j’ai passé des heures à tourner et retourner ses accords.
Au-delà bien sûr, de sa plume merveilleuse et de son style musical, j’ai tout de suite adoré son phrasé et sa rythmique. Ironie du sort, je n’ai jamais eu besoin de transposer, son timbre de voix m’allait parfaitement !
A quelle époque as-tu fais tes premières expériences en tant que musicienne ?
Mon bac en poche, je me suis inscrite en licence de physique-chimie sur Lille. Je me suis très rapidement aperçue que ça ne me plaisait pas du tout ! J’ai passé le concours d’ « éduc » et en attendant j’ai pris un petit boulot de serveuse au buffet de la gare… Une année « blanche », j’avais 18 ans et plein de questionnements ! Décidée à me prendre une petite « claque », je suis partie, seule en Afrique, à Kankan, en Guinée Conakry au sein d’une ONG.
Avec une bénévole de l’ONG, nous avons animé des ateliers dans une école et j’ai ramené ma guitare.
J’ai également animé des ateliers musique au sein d’un Centre de Rééducation pour personnes autistes et atteintes de polio, situé en face de l’ONG et dirigé par des religieuses mexicaines… Sacré souvenir !!
Tu fais ensuite l’expérience de la scène ?
Au cours de mes études d’Educatrice Spécialisée, je rejoignais pendant les vacances, un centre de vacances à Jaujac en Ardèche, géré par des amis. Animatrice la première année, j’y ai fait des rencontres de musiciens avec qui je « boeuffais » à loisir et, d’année en année, je faisais plus de musique que je ne travaillais à la colo !
C’est à ces musiciens que je dois mes premières scènes en solitaire dans des endroits qu’ils m’ont fait connaître. J’ai fait, si l’on peut dire, une petite « tournée » en Ardèche chaque été, où j’animais des soirées avec ma guitare dans les bars et les restaurants. Mon répertoire était principalement composé des chansons de Brassens.
Par la suite, j’ai acheté mon premier petit camion aménagé et j’ai continué de sillonner l’Ardèche, là où concerts et « bœufs » étaient les maîtres mots !
Comment as-tu découvert la musique de l’Est ?
J’ai découvert pendant mes études, un lieu hors du commun : l’ancien hôpital Saint Antoine. Les locaux abritaient un Centre d’Hébergement d’Urgence pour familles migrantes, principalement de culture Rom. J’y ai fait du bénévolat, de l’aide aux devoirs et avec mon amie, nous avons animé un atelier « d’alphabétisation en musique ».
C’est ma première rencontre avec la culture des pays de l’Est. Je ne sais comment l’expliquer mais j’ai été fascinée d’emblée : les couleurs lumineuses, la beauté des visages, la culture orale, et cette musique… tellement chargée d’émotion !
Comment es-tu arrivée à chanter dans une fanfare « Rom » de Lille ? par quelles rencontres ? Quels musiciens as-tu découvert à travers cette expérience ?
Entre amis nous partagions et écoutions beaucoup de musique des pays de l’Est : des groupes connus et moins connus comme Ando Drom, Fanfare Ciocarlia, Amsterdam Klezmer Band, Bratsch… et bien sûr Goran Bregovic. Nous regardions des films « Latcho Drom » et « Transylvania » de Tony Gatlif, « Chat Noir, Chat Blanc », « Le Temps des gitans », « La vie est un Miracle » d’Emir Kusturica…
Ensuite, tout s’est enchaîné ! J’ai rencontré plusieurs musiciens : d’abord Rémi Hochedez, un accordéoniste, Julien Bédrine et Thomas Provoost (Tom-Tom), des saxophonistes, puis François Vlaminck, un guitariste, Jérôme Hénin, un soubassophoniste, et Antoine Marhem, un violoniste…
Et « La Balkanaise » est née. Chacun d’entre nous venait d’un univers différent. Certains étaient musiciens de métier et faisaient partie d’autres fanfares, d’autres étaient amateurs, mais nous avions en commun le même attrait pour la musique de l’Est.
Les répétitions de la fanfare dans nos appartements d’étudiant ont rapidement trouvé leurs limites et nous avons commencé à répéter dans les locaux du Centre d’Hébergement de l’ancien Hôpital Saint Antoine. Ce fut une sacrée expérience humaine !
Quel était le répertoire de cette fanfare ?
Le répertoire de « La Balkanaise » était large, mais très centré sur la musique de l’Est. Nous jouions également quelques compostions. J’ai de très bons souvenirs de ces moments et de ces concerts. Nous avons même fait une tournée en Ardèche et, avec un des musiciens, je suis allée, en 2010, assister aux 50 ans du festival de fanfares à Guca en Serbie !
Est-ce que cette expérience a orienté ta voie vers ce style de musique ?
Certainement ! Quand l’aventure de la Balkanaise s’est terminée, chacun poursuivant son destin, l’envie de continuer cette musique était très présente au fond de moi.
Tu mêles souvent expérience musicale et vie professionnelle ?
Oui, les deux ont été souvent étroitement liées.
François, le guitariste de « La Balkanaise » était éducateur auprès des Roms dans les bidonvilles de la métropole Lilloise. C’est lui qui m’a informé qu’on recherchait des postes d’éducs pour la période hivernale. J’ai quitté Bergues où je travaillais auprès de malades d’Alzheimer et j’ai commencé un nouveau job avec les familles Roms.
Sur le terrain j’ai rapidement été frustrée par les difficultés de communication et la barrière de la langue. J’ai eu envie d’apprendre le roumain pour mon travail mais aussi pour la musique et pour les voyages. Je me suis acheté la méthode Assimil. Je ne suis pas allée jusqu’au bout, mais je me débrouille !
A la même époque, je suis allé voir mon amie (celle qui m’a fait découvrir Brassens) à Cluj en Roumanie où elle vivait désormais. Puis je suis passé à Bistrita, chez Maurice et Jacqueline, un couple que j’avais rencontré lors d’un concert de la Balkanaise dans un bar à Lille et qui m’avaient chaleureusement invitée. Ensemble, nous avons visité des villages de Transylvanie.
C’est à ce moment-là que tu as commencé à apprendre l’accordéon ? Pourquoi cet instrument ?
Je me suis mise à l’accordéon pour deux raisons : Primo, j’avais des difficultés à « faire des pompes » à la guitare et à chanter en même temps sur des rythmiques festives, je cherchais un instrument qui me permettait de m’accompagner plus facilement au chant. J’ai choisi l’accordéon, ça allait de soi !
Secondo, il m’a fallu trouver le moyen à l’époque, de faire face à une douloureuse rupture amoureuse. je me suis investie pleinement dans cet instrument. Au moins, en ayant les deux mains occupées et à devoir chanter en même temps, je pensais réellement à autre chose !!
Parles-nous de « Panienki », les débuts de l’aventure ! Avec qui ?
Aaah Panienki ! Quelle longue et magnifique histoire, pleine de rebondissements !
L’aventure commence en 2011-2012. J’habite dans le quartier de Wazemmes depuis plusieurs années déjà et je rencontre Noémie Lay, une violoniste qui a eu, comme professeur à Calais, Yves Lockwood (papa de Didier Lockwood). Nous nous découvrons la même attirance pour les extraordinaires voix féminines slaves et les musiques de l’Est. C’est ainsi qu’avant Panienki, naît notre duo « Mamz’ailes
Le répertoire des « Mamz’ailes » est emprunt à la fois des influences de Noémie, des miennes mais nous arrangeons aussi quelques chansons tirées du répertoire de « La Balkanaise ».
Notre aventure commence donc à deux. Noémie faisait partie du groupe « Aristide et Jean Zégarés » avec lequel nous avions fait une tournée commune en Ardèche pendant l’été 2011. L’année suivante, nous aurons le plaisir d’être programmées au Festival de Wazemmes- L’Accordéon.
L’aventure continue quand tu rencontres Karolina Ekert, une vrai fille de l’Est, de nationalité polonaise ?
Environ un an après le duo « Mamz’ailes », nous rencontrons Karolina, effectivement, fraîchement arrivée de Pologne. Elle a 21 ans et est fille au pair.
Karolina ne parlait pas un mot de français ! On essayait tant bien que mal de discuter en anglais et j’ai découvert que nous aimions toutes deux la même musique. Karolina est une musicienne hors pair et j’ai été complètement sous le charme quand je l’ai entendue chanter la première fois avec sa guitare.
Alors que Noémie part vivre sur Paris, Karolina et moi, nous voyons plus souvent et plus régulièrement. Je me souviens de bonnes parties de rire lors de ces premières répétitions où nous tentions de communiquer avec mon pitoyable niveau d’anglais ! Et « Mamz’ailes » se transforme en « Panienki » qui veut tout simplement dire « les mesdemoiselles » en Polonais.
Avec Karolina, nous trouvons quelques dates de concert sur le quartier de Wazemmes et nous rappelons Noémie, dont l’envie de jouer était toujours très forte. Elle a fait de nombreux allers et retours Paris-Lille pour nous rejoindre.
Un jour que nous jouions toutes les trois au « Retro », un bistrot lillois, nous discutons avec Jeanne Boulanger. Elle jouait de la contrebasse, chantait et était ma voisine… une évidence ! Jeanne se joint donc à l’aventure « Panienki » en 2013 et nous commençons à rouler notre bosse toutes les quatre.
En 2014, vous sortez un EP, un mini-album 5 titres qui définit votre style musical.
Le premier morceau « Limonchiki » met tout de suite dans l’ambiance
C’est une chanson traditionnelle Ukrainienne que j’ai connue grâce au groupe « Amsterdam Klezmer Band » que j’affectionne particulièrement. Elle a été écrite à Odessa dans les années 1920,
Nous l’avons rejoué récemment avec Yuriy Gurzhy et l’Orchestre International du Vetex lors du Festival Wazemmes-L’Accordéon. Yuriy connait très bien cette chanson. Il m’en a appris la signification profonde
Dans les années 20, en pleine inflation, il fallait des millions pour acheter ne serait-ce que le pain quotidien. « Limon » résonne comme « Million », c’est en fait une satyre chantée sur les marchés de l’époque, une grosse blague qui date de plus de 100 ans et dont aujourd’hui peu de personnes connaissent la référence.
« Hija Mia Mi Querida » est un chant d’exil qui fait référence à l’expulsion des juifs d’Espagne, ordonnée en 1492 par la Isabelle « La Catholique ». Le texte est écrit en espagnol ?
Ce n’est pas vraiment de l’espagnol. C’est une chanson judéo-espagnole inspirée d’un très vieux poème séfarade. Comme pour beaucoup de chansons de Panienki, ce traditionnel est avant tout un coup de cœur tant pour le texte qui fait référence effectivement à l’oppression d’un peuple, mais aussi pour l’exotisme de sa rythmique.
« Lluba » est une chanson, lente et douce comme une berceuse raconte l’histoire d’un tzigane qui dort dans sa roulotte en rêvant à l’amour tandis que le cheval, sans bride, continue sa route … Le texte est en romani ?
« Lluba » est une chanson qui figurait déjà au répertoire de « La Balkanaise » et que nous avons réarrangé avec « Panienki ».
Je la présente toujours comme une chanson tsigane russe. On entend bien les consonances russes mais ce n’est pas du russe. On trouve des différences selon le pays où est parlé le romani, Il existe du rom hongrois, du romanes (roumain), du rom yougoslave…
Je ne suis pas une experte en linguistique… mais ce qui est génial, c’est que les personnes qui parlent Romani, quel que soit leur pays d’origine, arrivent à se comprendre.
« Kurju » est un chant russe plus festif, joyeux et plutôt amusant. C’est l’histoire de quelqu’un qui dit profiter de la vie en fumant !
J’adore ce morceau russe effectivement ! Nous avons été complètement séduites par l’image de cette sacrée bonne femme qui chante dans sa cuisine vêtue de son tablier Mickey, avec son frère et lui disant : « vas-y fume ! profite de la vie ! » !
La maman de Karolina qui parle couramment le russe l’a bien aidée pour la traduction et la prononciation.
Je travaille également avec des personnes russophones et je m’aperçois que cette chanson est vraiment très connue et très parlante pour elles.
« Ederlezi » est le nom d’une ancienne fête turque célébrant l’arrivée du printemps ?
Ah Ederlezi !! Mon coup de cœur pour la musique de l’est !!
J’adore chanter ce morceau au travail, devant les familles qui la connaissent et voir les étoiles dans leurs yeux, même si j’ai toujours peur de ne pas avoir l’accent qu’il faut. Effectivement, Ederlezi, a lieu au printemps, le jour de la Saint-Georges.
Les origines de la chanson ne sont pas claires, ce serait une chanson de Roms de l’ex-Yougoslavie, mais il existe aussi apparemment des mélodies serbes et bulgares similaires. Ederlezi est connue et chantée dans plusieurs langues
Goran Bregovic, en 1988, la rend célèbre en s’en inspirant pour la bande originale du film « Le Temps des Gitans » d’Emir Kusturica.
Bien entendu, la version la plus connue est l’arrangement de Bregovic pour « Le temps des gitans » mais il l’avait déjà interprété auparavant.
Yuriy Gurzhi connaissait par exemple le groupe « Bijelo Dugme » créé en 1974 par Goran dans l’ex-Yougoslavie et dont la chanson la plus connue était justement « Djurdjevdan », qui est la version yougoslave d’Ederlezi.
Parmi les nombreuses interprétations, comment avez-vous travaillé pour y apporter votre touche personnelle ?
Nous y avons introduit des couplets en Romanes et en Polonais ! C’est une chanson de notre répertoire qui plaît beaucoup et est à l’image du multiculturalisme de Panienki.
Revenons à l’aventure Panienki, qui est loin d’être finie !
Lors d’un concert au « Prato », un soir, au profit d’un projet humanitaire pour Madagascar, nous proposons à Solo Gomez de nous rejoindre sur, précisément, cette fameuse chanson « Ederlezi ».
Nous connaissions Solo depuis quelques temps grâce à des amis communs et nous avons été subjuguées par son intervention spontanée, son énergie, sa voix et sa touche « afro-skat ». C’est ainsi que Solo, avec sa grande expérience de la scène et des spectacles, a rejoint l’équipe.
A cette époque, Karolina décide de rester en France et de suivre des études de cuisine. Elle fait une pause de quelques mois, le temps d’obtenir son diplôme.
Avec la nouvelle touche apportée par Solo, Panienki se définit plus en « world music » qu’en musique de l’Est « pure et dure » car nous adorons ce métissage et ce mélange des genres..
Cet été-là, nous partons une fois de plus en Ardèche, cette fois, pour une première tournée Panienki.
Après l’obtention de son diplôme, Karolina réintègre le groupe et nous travaillons sur les dix titres de notre nouveau CD : « Narodziny ».
Parlons de cet album, sorti en 2018. Que signifie ce mot « Narodziny » ? A travers ce titre, que voulez-vous exprimer ?
« Narodziny » veut tout simplement dire « naissance » et fait référence à la « renaissance » du projet Panienki sous sa forme actuelle.
Mais nous voulions aussi faire un clin d’œil à Noémie. Enceinte et habitant à Paris, cela faisait quelques temps qu’elle ne pouvait plus se déplacer et nous rejoindre pour les concerts. L’album est une dédicace à l’arrivée de son premier enfant.
Finalement vous êtes six à participer à la réalisation de l’album ?
Oui, Anne-France Dumoulin, violoniste virtuose a rejoint l’équipe pour participer à « l’accouchement » de Narodziny. Depuis 2016, nous avions fait plusieurs concerts avec Noémie et Anne-France, et nous adorons ce mélange des cordes !
Evoquons quelques titres : Le premier « At Neni Mi Lito », « est une chanson de quel pays ? La traduction est : « pour que je ne sois pas triste ». Ca parle des blessures de l’amour et de la passion ?
C’est une des premières chansons que j’ai apprise à l’accordéon. C’est une chanson tchèque qui parle de blessures, d’amour et de passion, que j’ai découverte via Raduza, une artiste tchèque. On n’en trouve pas la trace dans les chansons traditionnelles, ce qui me fait penser que ça pourrait être une composition de Raduza.
Je sais aussi que notre « tchèque », que ce soit sur l’album ou sur la vidéo Youtube est incompréhensible !!! (rires)
Justement abordons si tu veux bien cette question des langues. Vous chantez en Polonais, Tchèque, Russe, Yiddish, Hébreux, Romani etc…. Comment mémorisez-vous vos textes ?
Nous travaillons beaucoup à l’écoute, à la phonétique. Nous essayons aussi de rencontrer des personnes qui parlent la langue de la chanson travaillée et qui peuvent nous corriger. Nous devons, pour certaines chansons avoir un sacré accent parfois incompréhensible peut-être comme sur cette chanson tchèque dont je parlais.
Lorsque je n’ai pas de pupitre, j’ai souvent un aide-mémoire à mes pieds pour certaines paroles
.« To Nie Ptak » : Cette chanson, pleine de poésie et de légèreté signifie « Tu n’es pas un oiseau ». Est-ce que la version de « Kayah i Bregović », album sorti en 1999 vous a inspirées ?
Je crois que « To Nie Ptak » est la chanson que Karolina m’a chanté lors de notre première rencontre et dont je suis tombée amoureuse ! Karolina et moi, adorions ce CD de Kayah et Bregovic et c’est bien leur version qui nous a inspirées.
« Ushti Baba » : Dans la pure tradition tzigane, cette chanson évoque la cérémonie du mariage et notamment la remise de la dot de la mariée.
C’est effectivement une chanson très connue, une chanson de mariage, on m’a déjà raconté que « Baba » c’est un peu comme le « Roi des Roms », mais je n’ai jamais pu vérifier cette information.
C’est une chanson qui invite à la danse et que nous reprenons avec l’Orchestre International du Vetex réarrangée par l’excellentissime trompettiste Thomas Morzewski qui donne une saveur davantage festive et balkanique.
« Loli Phabay » ou « Loli Pabaj » : La chanson, qui se traduit par « pomme rouge », très joyeuse, est tirée du film soviétique « Les Tziganes montent au ciel », réalisé par Emil Loteanu en 1976. Vous êtes-vous inspirées du film ?
C’est rigolo parce qu’en répondant aux questions, j’apprends finalement plein de choses ! Je ne connais pas ce film mais je vais le regarder attentivement !
Il y a effectivement plusieurs orthographes mais je ne sais laquelle est la bonne, Loli Phabaj est une comptine que j’ai découverte dans le livre des comptines tziganes de la collection « Didier jeunesse ». C’est une comptine romanes qui raconte l’histoire d’un petit garçon qui vit dans une roulotte (qui n’a d’ailleurs même pas de plancher). Il a une magnifique pomme rouge, elle est belle et appétissante, il en coupe la moitié pour l’offrir et en garde l’autre moitié pour lui.
C’est une chanson mignonne et naïve mais que je trouve très parlante. Après plusieurs années de rencontres et d’expériences avec des personnes vivant dans une grande précarité, je réalise que la notion du partage est toujours très importante, même parfois gênante tellement les personnes sont parfois prêtes à donner tout ce qu’elles possèdent.
« Erev Shel Shoshanim » est une jolie chanson d’amour écrite en hébreu très connue dans le monde. Traditionnellement, cette chanson est jouée lors des cérémonies de mariage où les jeunes mariés sous un dais (la houppa), offrent l’hospitalité à la famille et aux amis.
Oh oui, c’est aussi une chanson coup de cœur que j’ai découverte dans les livres de Didier jeunesse également. C’est la première chanson que nous avons travaillé, Noémie et moi, dans le duo Mamz’ailes.
Elle signifie « un soir de rose », c’est une chanson d’amour, très « fleur bleue », où l’amour est imagé comme dans un univers des milles et une nuit. J’aime beaucoup cette langue et également la couleur de cette chanson.
Il existe de nombreuses versions, mais tu as choisi de mêler ta voix à celle, envoûtante, de Sego Len avec un accompagnement accordéon-harpe particulièrement émouvant. Comment as-tu rencontré cette artiste ? Comment est née cette idée de duo ?
Lors du premier confinement, j’ai eu l’honneur de participer à « Muzicatouva », un festival organisé par Sebastien Dillies et Monsieur Rémi, qui a réuni de nombreux artistes des Hauts de France où chacun se filmait chez soi et qui a été retransmis en live..
Sego Len participait à ce festival. Nous nous sentions un peu seules à nous filmer dans notre salon et elle a eu l’ingénieuse idée d’un « duo à distance ». Je lui ai proposé cette chanson qu’elle ne connaissait pas et nous l’avons réalisé avec de faibles moyens techniques. Je la félicite encore pour ce qu’elle a fait !
Ce n’est pas ta seule collaboration, tu aimes beaucoup jouer avec d’autres musiciens lors de soirées improvisées comme avec Bruno Margollé du groupe « Père et fils » ou « La rue Kétanou » ?
La rencontre avec Bruno remonte à plusieurs années ! C’était lors d’un festival du côté de Cambrai me semble-t-il organisé par les musiciens de « La Division Nada ». Bruno jouait avec son groupe « Père et Fils » (donc avec son fils Alex et quelques musiciens).
C’était au début de notre duo avec Karolina. Le contraste entre notre répertoire et leur musique plutôt rock n’roll et leurs textes engagés était rigolo ! Mais le courant est tout de suite passé !!
Nous sommes devenus amis. Bruno nous a ensuite invitées à partager une scène à Boulogne, puis nous avons eu d’autres dates communes comme à Steenvoorde au festival « l’épopée »… Nous continuons de nous croiser régulièrement sur les scènes du Nord.
Jeanne est amie avec les musiciens de « La Rue Kétanou » et avait déjà joué avec eux. Lors du concert à l’Aéronef début 2020, Mourad, le chanteur a proposé à Solo, Jeanne et moi de partager une chanson sur scène avec eux. Nous avons donc eu ce grand honneur et cette chance ! Expérience très impressionnante et fort sympathique !
Dans le clip « Trouba Train Trips », vous jouez pour les voyageurs entre Bruxelles et Lille ? Peux-tu nous parler de ce projet ?
Puisqu’on parle de train, je vais remettre les wagons dans l’ordre pour tenter d’expliquer le mieux possible cette magnifique expérience.
Il y a quelques années, nous avons découvert à Tournai, « La Petite Fabriek », un super lieu où nous avons fait la connaissance de Piet et Trui, créateurs de « Via Lactea ». Via Lactea est une agence d’artistes internationaux de musiques du monde qui mène également des projets transfrontaliers.
Nous avons été invitées à jouer à plusieurs reprises dans ce lieu idyllique où nous avons rencontré de nombreux artistes et passé de sacrées soirées !
En 2018, Piet nous parle d’un projet impliquant plusieurs partenaires européens dont Via Lactea et Flonflons (Wazemmes-L’Accordéon). Dans ce cadre, nous faisons une première résidence à La Sentinelle avec l’Orchestre international du Vetex qui se révèle très encourageante et renforce notre volonté d’une création commune.
En 2019, nous sommes associées à « 2020 troubadours », un projet culturel inclus dans le programme « Europe Créative » de l’UE et géré par des organisations culturelles de France, Belgique, Serbie, Hongrie et Ukraine.
.Nous avons participé au premier « Trouba Train Trip » en 2019 avec de nombreux autres artistes. Bien entendu le Vetex mais aussi Willy Fuego, Joan Garriga, Madjid Fahem et beaucoup d’autres figures de la scène européenne. C’est à ce moment-là que nous avons fait la connaissance de Yuriy Gurzhy.
La collaboration avec le « Vetex » semble porter ses fruits ?
Nous avons partagé une scène commune lors du festival de Wazemmes-L’accordéon 2019 avec également Arno et Dick Annegarn. Suite à cet événement, nous avons tourné un vidéo clip avec le Vetex sur la chanson « Tumbalalaika » où Jeanne, Solo et moi, on se retrouve en position de « chanteuses solistes ». Cela a renforcé nos liens.
Ensuite, nous avons continué cette étroite collaboration avec le Vetex malgré la crise sanitaire pour aboutir à ce magnifique concert du 26 septembre 2020 à la Maison-Folie Wazemmes et à une semaine magnifique passée avec les artistes du Vetex et Yuriy Gurzhy.
Pendant ce temps, l’aventure Panienki continue… ?
Oui, nous rencontrons Cléa Dechambre, altiste de formation classique, mais ouverte à des univers plus éclectiques notamment la musique d’Europe de l’est et des balkans. Je la découvre lors d’un concert du « Clownest Orchestra » une fanfare balkan dont elle fait partie. Elle rejoint l’aventure en faisant vibrer son alto majestueusement, ce qui apporte une nouvelle touche au projet et Panienki tourne pendant un bon moment sous cette forme.
Et ce n’est pas fini ! Karolina part vers de nouveaux horizons professionnels et quitte l’aventure. Nous accueillons Olivia Rosa de Antunes, une nouvelle et talentueuse chanteuse d’origine tchéco-portugaise, ayant l’expérience de plusieurs projets de musique du monde.
Tu es à l’affiche de ce Festival en 2020, une très belle affiche réalisée par l’artiste plasticien Chicken, bien connu des Lillois. C’est une reconnaissance de ton talent et de ton travail ?
Lorsque Claude Vadasz m’a annoncé qu’il avait pensé à moi pour l’affiche du festival 2020 c’est vrai que j’ai été très surprise mais aussi flattée ! Aussi un peu stressée car je ne savais pas du tout comment Chicken allait me « transformer » ! Je suis très honorée du résultat !!
Comment as-tu vécu les restrictions sanitaires et comment vois-tu l’avenir ?
Wazemmes-L’Accordéon est devenu un « mini » festival… ! Le concert du 26 septembre a généré beaucoup de frustrations ! Une vingtaine de musiciens sur scène et 90 personnes dans la salle, assises, sans pouvoir se lever et danser !
Toutefois, nous avons quand même réussi à maintenir,l’été dernier, une tournée en Drôme et Ardèche. Cela nous a fait le plus grand bien de pouvoir nous retrouver sur scène et partager notre plaisir avec un très chouette public.
Pour 2021, les concerts se programment, s’annulent, se reportent… on a du mal à y voir clair mais l’énergie est toujours là et nous mourrons d’envie que tout reprenne comme avant !
Pour Panienki, nous espérons la continuation de tous nos projets, pouvoir programmer de nouvelles résidences, travailler de nouvelles chansons pour réaliser un nouvel album et de nouvelles vidéos.
Pour ma part, je songe à me consacrer de plus en plus voire complètement à la musique et m’investir davantage dans les projets en cours
S’il suffisait d’un mot pour définir Clémence, ce serait « Partage » ! Clémence, c’est le partage universel de sa passion pour la musique avec les musiciens comme avec les personnes qu’elle rencontre sur sa route ! Qu’elles soient des familles migrantes, des familles Roms, de villages d’Afrique ou encore des enfants des camps de vacances, Clémence partage sa joie de jouer et de chanter et reçoit en retour plus que l’imaginable !
C’est là le secret de sa vitalité et de son sourire qui illuminent sa présence sur scène et qu’elle communique si simplement à son public qu’elle adore ! On attend avec impatience de la retrouver, en chair, en os et en… Panienki bien sûr !