n° 5 – Bruno MARGOLLÉ

Avec sa petite queue de cheval, Bruno est sorti d’Outreau comme le bon génie a surgi de la lampe à huile d’Aladin, pour occuper une place incontournable dans le paysage musical nordpasdecalaisien et au delà.

Comme un petit oiseau dans ses grosses pognes, son « uku » semble aussi fragile que Jessica Lange dans les pattes de King-Kong !

Une silhouette de chef Chéyenne, des tatouages à faire pâlir les stars du football international, un organe puissant capable de survoler tous les marchés aux poissons du littoral… vous avez une idée de notre portrait n°5 : Bruno Margollé !

Bruno MARGOLLÉ / photo © mimosa

Pour essayer d’atteindre la taille de sa contrebasse, Alex, son fils s’est laissé pousser une mèche à la Désireless, mais puissance 10 ! Il l’a teinte en rouge ou en jaune vif pour ne pas passer inaperçu à côté de son géant de père !

Bruno et Alex MARGOLLÉ / photo © Roman Le Roux

Réunissez les deux phénomènes et vous obtenez « Père&Fils » un duo musical qui sonne comme une équation algébrique (Père + Fils) car les talents s’additionnent.

Avant d’entendre la moindre note, le contraste est, à lui tout seul, un spectacle, réjouissant et jubilatoire.

« Père & Fils » évoque immédiatement l’amour filial. Bruno, est-ce que l’arrivée de ton fils Alex a changé ta vie ?

L’arrivée de mes deux filles et celle de crapaud m’ont incontestablement changé et continue de me changer d’ailleurs ! Il n’y a que mes enfants qui sont capables de me faire changer de point de vue, sinon j’ai toujours raison !

D’où sort ce surnom de « crapaud » ?

Aucune idée !! mais je pense que c’est parce qu’il est particulièrement moche. Il ressemble beaucoup à sa mère !!

Comment et à quel moment commence l’histoire de Père & fils ?

Vers l’age de treize ans et après avoir regardé un concert des Strays Cats, Crapaud est tombé sous le charme de la contrebasse et il a voulu intégrer le conservatoire de Boulogne-sur-mer? qu’il n’a pas fréquenté longtemps. Un gamin de treize ans avec une crête et des piercings faisait un peu tache dans le paysage !

Dans le même temps le Père Noël m’amène mon premier Ukulélé, instrument que je n’aurais jamais acheté ! J’suis un Rocker bordel pas Julien Doré !

Et je tombe aussi sous le charme de cet instrument.

Six mois de cours de contrebasse et après quelques répètes, nous voila rue Lille dans la vieille ville de Boulogne-sa-Mer pour notre premier concert.

Bruno et son « crapaud »

Quels artistes vous inspirent ? Quel répertoire mettez-vous au point pour débuter ?

Mes références musicales sont très rock’nroll : The Clash, The Specials, The Stray Cats et toute la vague alternative française, VRP, Négresses vertes, Wampas….

Le répertoire des premiers concerts ne comportait que des reprises : « Guns of Brixton » des Clash en passant par « Le P’tit bal » de Bourvil, jusqu’à « Antisocial » de Trust…..

Votre enthousiasme est grand, vous jouez partout où c’est possible dans votre région du Boulonnais ?

Un Duo, en plus avec un fils pré-ado qui n’a pas d’autre choix que de dire « oui » à son Père, forcément c’était facile de jouer et la formule Ukulélé, joué par un loustic de deux mètres et de 110 kilos et une contrebasse joué par un crapaud d’un mètre dix, visuellement il n’y a rien d’autre à rajouter.

Le duo a du succès. Un 1er album cartonne dans la région ! Comment a-t-il été réalisé, avec quels musiciens ?

Un jour, Bruno Dupont un vieux pote qui est le boss du studio du Bras d’Or à Boulogne, nous invite pour réaliser une maquette de quelques titres pour nous permettre de démarcher. L’enregistrement doit durer une journée et je demande un jour de congé à mon boss.

Le lendemain, mon boss me demande comment s’est passé la journée, si on a l’intention de faire un album ? Ben Nan !! on n’a pas de tunes !! Ben je finance le premier album !!!

Alex et moi, nous bossons sur des premières compositions dont « Père & fils », chanson écrite par Norbert Dekeister, une vieille connaissance qui donnera le ton de ce premier album et l’identité du groupe. Merci mon Norbi !

Premier album « Père & Fils » / 2011

Comment ont été choisis les morceaux ? Il y a déjà des compositions personnelles ?

Nous avons sélectionné les covers qui marchaient le plus en concert et qui nous parlaient humainement.

Oui c’est le début des compositions « Pére & Fils », « La Grisette », « L’écumeur » etc… écrites par notre « muse » Norbert Dekeister et Robert Ulliac, mises en musique par moi-même. C’est vraiment là qu’a commencé l’aventure !!!

Tu fondes le « Collectif de la Main Froide », avec qui et dans quel but ?

J’ai toujours fait du Rock’n roll avec mon alter ego musical Christophe Gobert chanteur des groupes les Wapitis, les Ch’titi Parisiens, les Putas Lovers et la Main Froide où j’étais guitariste.

La Main Froide était un mixe entre les Putas Lovers et Père & fils. L’aventure n’a pas pu durer parce que nous étions trop pris avec Père & Fils.

Et le duo devient trio ?

Max est arrivé comme infographiste du premier album. Ça a été une super rencontre.

Pour la sortie de l’album, nous étions en première partie de « Marcel et son Orchestre ». Max jouait très très mal de beaucoup d’instruments dont la flûte de Pan, mais comme il était super sympa, nous l’avons invité sur scène pour trois morceaux et il est resté !!!

Le trio : Bruno entouré de Maxime Pincet à l’accordéon et de son fils Alex
photo © Val F Photography

Le groupe sort son 2ème album « Le bar des anges saouls » qui comprend 12 nouvelles chansons avec beaucoup d’auteurs différents. D’où sortent ces auteurs qui semblent si bien te connaître au point que leurs textes semblent écrits exprès pour toi !

Ce sont tous des Boulonnais et des amis de toujours : Christophe Neyrinck a écrit « Le bar des Anges saouls » et « Julot », Fabrice Level, premier chanteur des Marcel a écrit « Le carré des indigents », « La Galette à Pierrot », Luc Macquet le deuxième chanteur des Marcel a écrit « On n’se voit plus » et tous les autres, Max, Norbert, Robert … et moi forcément.

2ème album : Le Bar des Anges Saouls / 2014
℗ Eyes wide open

Comment se passe cette collaboration ?

Ce sont tous des potes, ils me connaissent donc très bien, ils me proposent des textes qui me ressemblent, j’adore mettre ma patte dans leur textes et les mettre en musique et elles deviennent nos chansons !!!

D’autres musiciens viennent rejoindre le groupe ?

Antoine (Toutoune) et Elsa nous ont rejoints pour les concerts qui ont suivi la sortie du deuxième album et forcément ils restent !! Deux super zicos qui montent le niveau musical du groupe.

Arnaud arrive dans l’aventure par un concours de circonstances. Il organise un festival mais Max n’étant pas dispo, Arnaud le remplace au pied levé et je tombe amoureux musicalement et humainement de « min pitit ».

Départ d’Antoine et arrivée de Julien Gribeauval (Juju ou Yuyu) super guitariste qui était, pour info, dans les trois personnes du public de notre premier concert . Enfin, Victor Calon percussionniste (Marimba) nous rejoint sur quelques grosses scènes quand l’occasion se présente.

Arnaud alias Dondon / photo © Mimosa
Antoine et Elsa / photo © Mimosa
Le groupe actuel au complet : de gauche à droite, Max, Bruno, Elsa Arnaud et Julien, Alex, Victor

C’est à cette époque qu’Elsa tente l’aventure ? Parle-nous d’elle ?

C’est encore un bébé quand elle arrive, avec onze ans de conservatoire dans les bottes. Il a fallu la sortir du carcan scolaire où le conservatoire l’avait enfermé pour quelle devienne la touche féminine et cette belle musicienne qu’elle est !

Elsa Poinat / photo © Dominique Bruggeman

Parmi les titres, dans « J’aime pas le jazz », tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère !! Il y en a qui en prennent pour leur grade. C’est drôle, festif et showbizzement incorrect ?

C’est le premier texte que j’écris, il colle parfaitement à ce que je pense et à ce que je suis. Je n’ai jamais été fan de personne, sauf des Clash. J’aime autant mon charcutier que Jacques Brel !!!

J’aime les gens. Pour le Jazz, mais c’est vrai aussi pour d’autres styles et groupes de musique démonstrative, c’est le coté « on se masturbe musicalement entre supers musiciens » qui me dérange. Je préfère quand le public fait partie du spectacle.

« J’aime pas le jazz » en concert avec l’Harmonie d’Outreau 2015 / Video © Christophe Luchie

Les conversations de comptoir et les piliers de bar qui refont le monde dans « Le bar des anges saouls » ! Comment est venu le titre ?

Une vieille connaissance Boulonnaise, Christophe Neyrinck, musicien fan de folk américain et autre Bruce Machin, m’envoie un jour ce texte avec une petite phrase du genre « j’écris pas en français d’habitude, je sais pas si tu peux en faire quelque chose ». Pour la petite histoire j’ai composé ce morceau en lisant le texte, nous répétions le jour même, le titre a été bouclé en une demi heure. C’est notre « Ginette » !! C’est notre chanson et depuis un lien s’est tissé à travers les chansons qu’il m’envoie. En fin de compte, on se connaît très peu, mais on est très proche artistiquement.

« Le bar des Anges Saouls »

Et chaque texte de l’album, d’une justesse incroyable, a son charme, son émotion à fleur de peau. Les textes évoquent des images qui défilent devant nous. Ça sent le vécu ! C’est votre histoire … et nous sommes dedans !

En 2015, le groupe sort son 3ème album « Le tour du renard », pourquoi ce titre ? Qu’évoque-t-il ?

C’est un jeu de mot pour évoquer « La Tour du Renard », un quartier célèbre où j’ai vécu 30 ans de ma vie. C’est la ville d’Outreau qui finance ce projet magnifique.

Soixante musiciens de l’Harmonie d’Outreau rejoignent le projet. Ca fait beaucoup de monde ?

Quand vous composez un morceau seul au ukulélé, que Monsieur Gratien met des traits, des points noirs et blancs sur du papier à musique et que des gens que vous ne connaissez pas, qui viennent de milieux sociaux, professionnels, politiques différents et de tous âges jouent un titre comme « Migrants » eh bin ça donne des émotions incroyables et beaucoup d’espoir !!! J’ai adoré jouer avec ces musiciens.

Qui est ce « Monsieur Gratien » qui s’occupe des arrangements ?

Une vieille connaissance encore une fois, Fabrice Gratien est le grand frère de Christophe le batteur de mon premier groupe. Il est surtout un trompettiste, pianiste et arrangeur de talent. Môssieu a quand même joué avec Mano Solo,Nicolas Peyrac…..

Quand Fabrice à repris la direction de l’école de musique d’Outreau et que la municipalité à souhaité monter un projet avec nous, Fabrice a proposé cette aventure qui c’est terminée en première partie de Tryo devant 3.500 personnes…ÉNORME SOUVENIR !!!!

C’est quand même une sacrée aventure humaine, mais les sentiments humains, ça te connaît !! « Migrants » évoque le drame de ceux qui fuient la guerre ou espèrent un monde meilleur !

Nous habitons à 30 kilomètres de Calais et quand l’album est sorti, c’était en pleine période de « La Jungle ». Ça nous semblait un devoir d’aller chanter nos chansons sur place, une expérience qui nous a profondément marqués ! N’oublions pas que des gens, des familles vivent toujours et encore dans des conditions inacceptables à Calais et Grande-Synthe.

« Migrant » – Concert Anniversaire 2016 / vieille ville de Boulogne-sur-mer / Video © Christophe Luchie

Dans « Le fantôme du port », tu évoques les marins-pécheurs de Boulogne ? Tu sembles nostalgique d’une période où la mer faisait partie de ton existence ?

Nous parlons d’un docker et forcément de la pèche qui devient de plus en plus compliquée entre la raréfaction du poisson, les réglementations et autre Brexit. Ce sera la dernière chanson de Norbert et quelle chanson !!!

Le Boulonnais était centré sur la pèche. Tout tournait autour du poisson, alors forcément ça marque !

« Le Fantôme du Port » – Soirée de lancement de l’album « Le tour du Renard » avec l’harmonie d’Outreau
vidéo © Christophe Luchie

Que faisaient tes parents ? Comment s’est déroulée ton enfance ?

Mon père était fileteur aux pièces et ma maman était ouvrière dans une conserverie de poissons. Une « cacure » comme on dit chez nous.

Une enfance de rêve dans un quartier ouvrier « ma Tour du Renard », première clope, première guitare, premier baiser…

Parlons du film « Chante ton bac d’abord » du réalisateur David André, nordiste lui aussi. Film musical qui a valeur de documentaire. Sorti en 2014, il raconte l’histoire d’une bande d’adolescents de Boulogne-sur-Mer, dont l’avenir inquiète beaucoup les parents.

« Chante ton bac d’abord » de David André / ℗ Brotherfilms

Comment as-tu vécu cette expérience en tant que parent ?

Je garde surtout des souvenirs avec un milieu artistique que je ne connaissais pas et, comme souvent, ce sont les gens que j’ai découvert qui m’ont intéressé, du réalisateur en passant par le caméraman, le preneur de son, les autres parents et surtout les personnes que nous avons rencontrées dans les salles de cinéma et même à l’Élysée.

Une caméra qui s’incruste dans ton environnement familial et professionnel, ça t’oblige à porter un regard sur toi-même ? Sur ceux que tu aimes ?

On oublie vite la caméra et c’était le but. David ne voulait pas des figurants, juste nous et notre histoire. forcément de se voir à l’écran à poil émotionnellement c’est particulier !!Mais je n’enlèverais rien c’est mon histoire et celle de ma tribu.

Le film est rempli d’émotion et d’humanité, des sentiments que tu connais bien ?

Mon éducation, les drames et les bonheurs que j’ai vécu font de moi ce que je suis. Je dis souvent que je peux mourir maintenant sans regrets, j’ai vécu au moins trois vies, rencontré de grands politiques, de grands artistes et beaucoup de grands simplement humains. J’aime profondément l’humain.

Enfin, parlons de la scène !!

Sur scène, ça déménage !!!!! / photo © Zic’ en boite

Au plaisir de faire de la musique, s’ajoute le plaisir d’être ensemble ! Le pied, c’est de jouer au milieu du public ?

Pére & Fils c’est un groupe mais surtout une « FAMILLE » ! En cette période tourmentée, nous nous manquons beaucoup !! Nous ne sommes pas musiciens professionnels et tout le temps que nous passons sur les routes, sur scène ou en studio, c’est du temps que nous prenons sur notre vie familiale et depuis pas mal d’années et pour ça il faut s’aimer vraiment beaucoup !!!

Je vous aime bande de nazes !!

Au milieu du public

Et la complicité est bien là, entre les membres du groupe et avec le public !

Je fais de la musique pour les autres et pis c’est toute !!! Je pense que le public ressent ça, j’en suis même sûr !! Ma bande se fout toujours de ma tronche parce que je parle autant avec le public que je chante.

Plaisir et complicité / photo © Pierre Thouvenot

Parle-nous de tes rencontres avec d’autres chanteurs, d’autres musiciens. On te voit quelquefois « partager la scène » avec Franck Vandecasteele, Cyril Delmotte, Clémence Vandaele et Panienki, HK et ses Saltimbanks etc… etc…

Nous faisons maintenant partie du paysage musical de la chanson française au même titre que des artistes que nous admirons et c’est forcément agréable d’être reconnu par ces « Pères » !!! … mais nous restons des saltimbanques à deux balles !

En fait, nous préférons partager les loges que la scène !! Hé, hé c’est souvent après les concerts que ça devient intéressant !!

Avec Franck Vandecasteele et Cyril Delmote / photo © mimosa

S’ajoutent les tournées d’été où les possibilités de jouer en plein air sont plus nombreuses et les rencontres avec le public encore plus faciles ?

C’est notre bouffée d’oxygène, notre exutoire, quel pied chaque année !! Nous perdons dix ans d’espérance de vie à chaque fois mais qu’importe ! vivement cet été !!!!

Il me faudrait écrire un livre pour raconter nos péripéties et nos rencontres, que du bonheur !!

C’est ma tournée !!

Et déjà un 4ème album voit le jour !! Pourquoi ce titre « Western » ?

C’est les souvenirs d’enfance de ma génération que Christophe a mis dans son texte, une fois de plus et cela nous a permis de jouer aux indiens et aux cow-boys le temps du shooting photos !! Génial

4ème album : Western / ℗ Tête de veau Productions

Il y a un morceau qui cartonne, c’est « En marche ». Forcément le contexte s’y prête ?

Timing parfait pour cette chanson et surtout pour le tournage du clip le jour de la première des Gilets Jaunes avec derrière un gros paquet de vues sur les réseaux sociaux !!!

« En marche » Album « Western » / 2018

Pourtant ce n’est pas la première fois que tu parles de la politique et de la société. Ta conception des choses apparaît dans « Politiko » ou « La Constitution » ? Et puis sur scène « L’internationale » !

Nous sommes une femme et cinq gars de gauche et nous le faisons savoir dans nos chansons et sur scène n’en déplaise à certains.

C’est peu de dire qu’avec le groupe, tu es impatient de reprendre la route ? Quels sont tes projets ?

Nous espérons partir une fois de plus cet été et surtout pouvoir nous revoir comme avant !!!

Le cinquième album est dans toutes nos têtes. Je pense qu’il s’appellera « De chair & d’Os »… j’ai composé une dizaine de chansons qu’il faut maintenant « péréfiser ». Nous sommes en plein maquettage en ce moment.

Moments d’écriture / photo © Zic’ en boite

Merci Bruno ! Suze, bières … trinquons à la santé du groupe, des musiciens, du public, de tous ceux qu’on aime et à la disparition du Covid !!! A bientôt…

Bises dans vos fesses.

LOVE, SUZE & QUAND REVIENDRAS TU ???

0 commentaire sur “n° 5 – Bruno MARGOLLÉ”

  1. Excellent article sur notre groupe engagé préféré du boulonnais !!
    Vivement qu’on les retrouve. Leur impertinence, le langage direct et sans langue de bois de Bruno nous manque !!

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